1. Comment regardons-nous le problème

La façon dont nous regardons un problème a une influence significative sur notre capacité à le résoudre et à y faire face. Il est important d'adopter une perspective qui permet de distinguer la personne du problème. Cela signifie reconnaître que la personne n'est pas le problème en soi, mais qu'elle a une relation avec ce problème. En dissociant la personne du problème, on ne risque pas de la stigmatiser ou de la juger. Au lieu de cela, on peut se concentrer sur la façon dont le problème affecte la vie de la personne et sur les stratégies qu'elle a mises en place ou peut mettre en place pour y faire face.

Il est essentiel de comprendre que la personne est experte de sa propre vie. Elle est la mieux placée pour connaître ses expériences, ses ressources et ses compétences. Lorsqu'elle rencontre un problème, elle a généralement déjà essayé diverses approches pour le résoudre. En lui offrant un espace d'écoute bienveillante et en posant des questions qui mettent en valeur son expérience et ses compétences, nous lui donnons la possibilité de réfléchir à ses propres capacités et à son potentiel pour faire face au problème. Cela favorise l'autonomie de la personne et lui permet de trouver des solutions adaptées à sa situation particulière.

En nous concentrant sur les ressources et les compétences de la personne, nous renforçons également son sentiment d'estime de soi et de confiance en ses capacités. Elle se sent entendue, comprise et soutenue, ce qui peut avoir un impact positif sur sa manière d'aborder le problème. L'approche centrée sur la personne reconnaît que la personne est l'expert de sa propre vie et encourage son autonomie dans la recherche de solutions.

—> La façon dont nous regardons un problème doit nous permettre de distinguer la personne du problème, de reconnaître l'expertise et les ressources de la personne, et de lui offrir un espace pour explorer et mettre en valeur ses propres stratégies de résolution. Cela favorise une approche respectueuse, collaborative et axée sur les solutions.


2. L'écoute engagée

Selon David Epston, l’écoute engagée est une forme d'écoute active et attentive qui vise à recueillir des informations pour construire une nouvelle histoire qui contredira l'histoire de problème. C'est une écoute qui va au-delà de la simple collecte d'informations, mais qui cherche à entendre les ingrédients d'une autre histoire, une histoire qui offre de nouvelles perspectives et possibilités.

Dans le cadre de l'écoute engagée, il est essentiel d'identifier d'abord l'histoire de problème que la personne se raconte. Il s'agit de comprendre quelle est l'histoire qui pose problème et qui limite la personne dans son quotidien. Cette histoire de problème peut être caractérisée par des émotions négatives, des plaintes, des résistances ou des pertes de confiance par exemple.

Ensuite, l'étape suivante consiste à explorer et à questionner les signes d'absent, c'est-à-dire les éléments qui ne collent pas avec l'histoire de problème. On peut s'intéresser aux moments où la personne a fait preuve de courage, de résistance, d'apprentissage ou de valeurs qui s'opposent à l'histoire de problème. Ces éléments peuvent être des indices pour construire une nouvelle histoire.

L'histoire préférée est une approche qui consiste à explorer ce que la personne préfère, c'est-à-dire ce qu'elle souhaiterait vivre ou expérimenter plutôt que l'histoire de problème. Il s'agit d'identifier les éléments positifs, les valeurs, les objectifs ou les aspirations de la personne qui pourraient jouer un rôle dans la construction d'une nouvelle histoire plus enrichissante.

L'histoire alternative est similaire à l'histoire préférée, mais elle est encore plus large. Elle englobe non seulement ce que la personne préfère, mais aussi tout ce qui n'est pas le problème. Il s'agit d'explorer tous les aspects de la vie de la personne qui contredisent l'histoire de problème et qui pourraient être intégrés dans une nouvelle narration.

Enfin, la contre-histoire est une approche plus précise et radicale pour contrer le problème. Elle consiste à identifier et à questionner tout ce qui va à l'encontre de l'histoire de problème, ce qui vient contredire les croyances et les limitations associées au problème. Cela permet de faire vaciller le problème et de proposer de nouvelles perspectives alternatives.

—> Chacune de ces approches, qu'il s'agisse de l'histoire préférée, de l'histoire alternative ou de la contre-histoire, permet de construire une narration différente où le problème est absent. Ces nouvelles histoires offrent des possibilités de réparation et de croissance, et donnent à la personne un pouvoir sur sa propre vie.


3. En sécurité sur le rivage

La notion de « rivage » est présentée par David Denborough dans son livre "Redécouvrir les histoires de notre vie" et est également appliquée dans la pratique des Pratiques Narratives. Selon Denborough, lorsque quelqu'un traverse des difficultés, il se trouve au milieu d'une rivière agitée et dangereuse. À cet endroit, la personne est en mode survie, focalisée sur sa sécurité et ses besoins immédiats, ce qui rend difficile toute réflexion ou action pour résoudre le problème.

C'est pourquoi, plutôt que d'aborder directement les risques et les difficultés, il est conseillé de ramener la personne sur le « rivage », un endroit sécurisé et protecteur. Sur le rivage, la personne peut reprendre des forces et être dans un état d'esprit plus propice à la résolution des problèmes. C'est à cet endroit-là que les idées et les solutions pour améliorer sa vie peuvent émerger.

Le concept de « rivage » illustre la posture narrative qui consiste à créer un espace favorable à l'exploration des histoires de problèmes. En ramenant la personne sur le rivage, l'objectif est de permettre à la personne de se sentir plus forte, soutenue et moins isolée dans son vécu.

Cette notion de « rivage » est une étape clé dans les Pratiques Narratives et peut être soutenue par des méthodes métaphoriques telles que l'utilisation de symboles, d'histoires alternatives ou de conversations orientées vers les compétences et les ressources.

Il est important de noter que toutes les personnes n'ont pas besoin de passer par les trois phases (reconnaissance des effets du problème, connexion à quelque chose de collectif et contribution à la vie des autres) pour réparer leur histoire. Parfois, le simple fait d'être ramené sur le rivage suffit à résoudre le problème ou à le transformer en quelque chose de différent. Il est également essentiel de terminer la démarche narrative par un ancrage et une documentation, afin de consolider le changement réalisé.

—> La notion de « rivage » est une métaphore utilisée dans les Pratiques Narratives pour représenter un espace sécurisé où la personne peut se rétablir et trouver des ressources pour faire face à ses difficultés. C'est à partir de cet endroit de tranquillité que des réflexions, des idées et des actions peuvent émerger pour réparer l’histoire.


4. La personne est multi-histoires

Le fait que la personne soit multi-histoires signifie qu'elle ne se réduit pas à une seule histoire ou à une seule identité. Chaque individu a une multitude d'histoires qui coexistent en lui, reflétant différentes facettes de sa vie, de sa personnalité et de ses expériences.

Lorsque nous nous intéressons à une personne, il est crucial de reconnaître et d'honorer cette multiplicité d'histoires qu'elle porte en elle. Cela implique de ne pas réduire la personne à son histoire de problème ou à une seule narration limitante, mais plutôt de garder une ouverture d'esprit et de curiosité envers toutes les histoires qui la constituent.

En Pratiques Narratives, cette approche consiste à écouter activement toutes les histoires que la personne a à raconter, en mettant particulièrement l'accent sur les histoires qui parlent de préférences, de compétences, d'actes de résistance ou d'exceptions à l'histoire problématique. Cette exploration permet de mettre en lumière les ressources, les connaissances et les expériences positives que la personne possède déjà pour faire face à ses difficultés.

En reconnaissant et en amplifiant ces autres histoires, nous offrons à la personne la possibilité de se sentir plus complète, de penser en termes de choix et de possibilités plutôt que d'être enfermée dans une seule narration négative. Cela lui donne la liberté de naviguer entre ses différentes histoires et de choisir celle qui lui convient le mieux dans chaque moment de sa vie.

Ces différentes histoires peuvent également aider à déconstruire l'histoire de problème en mettant en évidence les moments où la personne a résisté, appris, surmonté des obstacles ou fait preuve de ses valeurs. Elles deviennent ainsi des ressources pour la construction d'une nouvelle histoire qui s'éloigne des limitations imposées par le problème.

—> Reconnaître que la personne est multi-histoires signifie embrasser sa richesse et sa diversité narrative. Cela nous permet d'amplifier ses ressources, de lui offrir un espace où elle peut se réinventer et de favoriser un cheminement vers une narration plus positive et vivante.


5. Une co-construction de la réalité

Dans les pratiques narratives, la co-construction de la réalité est un concept central. Il s'agit de reconnaître que la réalité n'est pas une entité objective et immuable, mais plutôt une construction sociale et subjective résultant des interactions et des récits partagés entre les individus.

Les normes jouent un rôle important dans cette co-construction de la réalité. Les normes sont des idées ou des attentes partagées au sein d'une culture ou d'une société, qui influencent notre manière de percevoir et d'interpréter le monde qui nous entoure. Elles définissent ce qui est considéré comme "normal" ou "acceptable" dans différents contextes.

Dans les pratiques narratives, les normes sont questionnées et examinées de manière critique. On reconnaît que les normes ne sont pas universelles ou fixes, mais qu'elles sont influencées par des facteurs culturels, historiques et sociaux. Les thérapeutes ou praticiens narratives invitent les personnes à réfléchir sur les normes auxquelles elles se réfèrent et à examiner si elles sont en alignement avec leurs valeurs, leurs préférences et leurs aspirations personnelles.

Les étiquettes, quant à elles, sont des mots ou des phrases utilisés pour catégoriser ou décrire une personne en fonction de certains traits, comportements ou caractéristiques perçus. Dans les pratiques narratives, on reconnaît que les étiquettes peuvent être réductrices et limitantes, car elles tendent à figer l'identité d'une personne dans une seule dimension.

Les thérapeutes ou praticiens narratives encouragent le processus de déconstruction des étiquettes, en invitant les personnes à reconsidérer et à redéfinir les histoires qui les limitent. Cela peut se faire en mettant l'accent sur les exceptions à l'étiquette, c'est-à-dire les moments où la personne agit ou pense différemment de l'étiquette attribuée. Par exemple, au lieu de dire "Je suis dépressif", la personne peut explorer les moments où elle a fait preuve de résilience, de courage ou de créativité.

—> En remettant en question les normes et les étiquettes, les pratiques narratives visent à élargir les perspectives et à créer des espaces où les personnes peuvent réinventer leur histoire et reprendre le contrôle sur leur identité. Cela permet de développer de nouvelles narrations plus en accord avec les aspirations et les valeurs de chacun.


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